Vitraux de l’église Notre Dame

Une nef avec un ensemble remarquable de 12 vitraux

Un programme théologique original ...
... et une oeuvre du maître verrier Etienne DIDRON
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Une nef avec un ensemble remarquable de 12 vitraux

Les 12 vitraux de la nef forment un ensemble remarquable. Ils développent un vrai programme théologique original. Il est l’œuvre d’Etienne DIDRON, d’une famille de grands verriers parisiens, qui a réalisé cet ensemble entre 1872 et 1879.

Ce programme a deux caractéristiques :

. Sept vitraux ont comme thème les sept paroles de Jésus dans l’Évangile de St Jean où il dit « Je suis… ».
Ce sont les six vitraux de gauche et le dernier de droite. Notons que ces paroles ne sont pas placées dans l’ordre de l’Évangile mais progresse plutôt vers l’Eucharistie.

. Seconde caractéristique, rare dans les ensembles de vitraux :
A droite, cinq personnages de l’Ancien Testament sont placés comme des préfigurations du Christ, des annonces de ce qu’il révèle de lui dans ses phrases en « Je suis ». Les Pères de l’Eglise (III-IV siècles) ont toujours cherché dans l’Ancien Testament « le type », c’est-à-dire, la préfiguration du Christ. D’où le nom de « lecture typologique » donnée à cette correspondance entre les deux Testaments car Jésus, Parole divine faite chair, accomplit les Ecritures.

Pour lire ces vitraux qui se font face, il faut donc passer d’un côté à l’autre et avancer en zig-zag. Nous les lirons ici à partir de l’entrée, en montant vers le transept (le chœur).

La résurrection

N°1 à gauche

 « JE SUIS LA RÉSURRECTION ET LA VIE »  Ego sum resurrectio et vita  (Jean 11,25).

. Le Christ ressuscité, avec ses plaies, nu sous un grand manteau rouge, tient la croix-bannière de sa victoire sur la mort. Elle porte la parole qu’il dit à Marthe, avant de ressusciter son frère Lazare. Ce vitrail est proche du baptistère (chapelle entrée gauche) où à travers le baptême nous devenons participant de sa résurrection et de sa vie.

. Celui-ci se tient sur le bord de son tombeau, au-dessus de son linceul couvert de fleurs. Un casque, un bouclier et une lance rappellent la fuite des soldats gardiens du tombeau, signes de la mort vaincue.

. En haut, la colombe évoque l’Esprit-Saint, par qui le Père a ressuscité son Fils.

N°1 à droite

SAMSON (Juges 16,3)

. Samson ressemble à un soldat romain, mais sa chevelure abondante est le siège et le signe de sa force surhumaine. II porte sur son dos les portes de la ville de Gaza, qui apparaît à gauche, où il était enfermé et dont il s’est enfui de nuit (Juges 3). Ni les Philistins ni les portes n’ont pu l’arrêter, pas plus que la mort  n’a pu retenir Jésus dans sa tombe.

. Comme en face, un bouclier, une épée et un casque évoquent sa victoire. Les deux portes de Gaza figurent les deux poutres de la croix de Jésus : l’instrument de supplice est devenu le moyen de la rédemption et le signe du salut.

La vérité, la vie

N°2 à gauche

 « JE SUIS LE CHEMIN, la VÉRITÉ et la VIE » Ego sum via, veritas et vita (Jean 14,6).

. C’est la réponse du Christ à Thomas qui lui demandait, lors du dernier repas «Seigneur, nous ne savons pas où tu vas ; comment saurions-nous le chemin ?».

. L’image montre un palmier-dattier et sous les pieds de Jésus qui enseigne : des fleurs, des fruits et quatre sources qui évoquent le jardin d’Eden avec ses quatre fleuves. Ceux-ci figurent les quatre évangiles qui nous ont transmis la Bonne Nouvelle, les paroles de vie. Après le baptême, le chrétien se nourrit de la Parole de Dieu, de l’Evangile.

N°2 à droite

 MOISE (Exode 31, 18 ss) Ego sum via, veritas et vita (Jean 14,6).. Au-dessus de lui, la main droite divine est un symbole juif ancien pour indiquer la présence du Dieu invisible, mais la croix blanche signifie ici qu’il s’agit de Dieu le Père de Jésus.

· Moïse tient son grand bâton, avec lequel il a séparé les eaux de la Mer Rouge et accompli divers miracles. Sur sa tête, les deux rayons lumineux traditionnels évoquent le rayonnement de son visage qui reflétait la gloire de Dieu après sa descente de la montagne (Exode 34,29).

· Derrière lui, un figuier peut symboliser le peuple juif. Au sol, le vase évoque le miracle de la manne, conservée dans une urne (Ex 16,12-14). La tête du jeune taureau mort rappelle le sacrifice offert pour conclure l’alliance (Ex 24,5-8). Sur les deux tables de la Loi est écrit en hébreu le résumé du Décalogue (Ex 31,18) : le début de chacune des Dix Paroles : « Je suis le Seigneur ton Dieu… Tu n’auras pas d’autres dieux… ».

· Le peintre verrier s’est efforcé de reproduire le texte exact (Ex 20,2-17), mais quatre lettres sont erronées et une a été omise.

 

La vigne

N°3 à gauche

« JE SUIS LA VIGNE » (Jean 15,1.5).

. Aucune inscription n’est nécessaire, puisque Jésus désigne la grappe de raisin et toute la vigne qui l’entoure.

. Il est vêtu d’une tunique blanche à ceinture et d’une chape précieuse à fermoir. Il tient un calice orné de pierres précieuses: la coupe de vin eucharistique sur laquelle il dira : « Ceci est mon sang ».

N°3 à droite

NOE (Genèse 9, 20-27).

Noé, lui aussi, est environné de vignes dont il coupe une grappe violette avec sa serpette. D’après la Genèse, aussitôt après le déluge, il plante une vigne, puis en boit le vin dont il ignore les vertus ; d’où le récit scabreux sur son ivresse et sa nudité (Gn 9, 20-27), rappelé aussi par le vase à droite.

. Parce qu’il est juste, il a été sauvé du déluge et il devient, avec ses trois fils : Sem, Cham et Japhet, la souche d’une nouvelle humanité ; il est ainsi figure du Christ, nouvel Adam, « le commencement, premier-né d’entre les morts » (Col1, 18).

 

La lumière

N°4 à gauche

« JE SUIS LA LUMIERE DU MONDE » Ego sum Lux mundi (Jean 8,12).

. Jésus montre le texte sur le livre d’où rayonne une croix, et tout son corps est entouré d’un rayonnement, dans une mandorle qui symbolise la gloire divine. Au-dessus de lui, le soleil et la lune, les luminaires de la création, ne sont guère que des astres pâlissant.

N°4 à droite

JOSUE (Josué 10,12)

. Josué est le successeur de Moïse qui fait entrer les Israélites dans la Terre promise et en mène la conquête; d’où son costume guerrier, avec lance et épée. Josué, lors d’un combat contre les gens de Gabaon, demande au soleil – et à la lune – de s’arrêter, pour avoir le temps, avant la nuit, d’achever la poursuite des ennemis et la victoire. Et « le soleil se tint immobile au milieu du ciel près d’un jour entier » (Josué 10,12-14).

De nouveau, un casque et un bouclier gisent parmi les fleurs. Le nom IOSUA signifie en hébreu : ‘le Seigneur sauve’ ; c’est aussi le nom de Jésus, Dieu sauve.

Le pain vivant

N°5 à gauche

  » JE SUIS LE PAIN VIVANT » Ego sum panis vivens (Jean 6,51).

. L’inscription est brodée sur le bord du manteau du Christ, de bas en haut. Jésus porte une tiare papale, avec triple couronne et deux bandes sur les épaules, le Souverain Pontife incarnant, au XIXe siècle, la plénitude du sacerdoce catholique. Un peu comme sur le vitrail de la Vigne, rappelée sur les côtés, il tient une grande hostie au-dessus d’un ciboire, évocation de l’eucharistie. Sous ses pieds, de gros épis de blé près d’une grappe, se mêlent aux coquelicots et bleuets de nos terroirs, comme au temps de la moisson.

. Noter la variante de l’inscription : « vivens » traduit bien le participe grec zôn (vivant), alors que la traduction latine officielle, la Vulgate, porte panis vivus (6, 41.51) ou panis vitae (6,35.48) un peu moins précis.

N°5 à droite

AARON (Lévitique 23,11)

. Aaron tient une gerbe de blé. Il est le frère de Moïse, et surtout le premier prêtre d’Israël. Sa coiffure, avec turban et diadème, est déjà celle des futurs grands prêtres. Dans le sanctuaire au désert, qui anticipe le Temple de Jérusalem et son grand prêtre, Aaron et ses fils devaient offrir les sacrifices d’animaux, mais aussi les offrandes végétales : blé ou farine, vin et huile, et faire fumer l’encens. Le verrier a choisi un rite précis : l’offrande de la première gerbe de blé, qui avait lieu au printemps, à la fête des Azymes (pains sans levain), juste après la Pâque (Lévitique 23,11).

. Aaron, le premier prêtre, est figure de Jésus le grand prêtre parfait, d’après la Lettre aux Hébreux (5,4;9,4). C’est pourquoi le vitrail correspondant présente le Christ en habits sacerdotaux.

Le pasteur

N°6 à gauche

« JE SUIS LE BON PASTEUR » (Jean 10,11.14).

. L’image se passe d’inscription mais elle illustre clairement le Christ, Bon pasteur : il porte un agneau sur ses épaules, tandis que deux brebis sont couchées à ses pieds et qu’une troisième vient vers lui.

. Le berger symbolise la fonction du roi, pasteur de son peuple, et donc celle du Messie d’Israël. Jésus est lui-même la présence bienveillante de Dieu qui prend soin de nous (cf. Psaume 23 : Le Seigneur est mon Berger).

N°6 à droite

« JE SUIS LA PORTE DES BREBIS » (Jean 10,7).

. Nous n’avons pas un sixième personnage de l’Ancien Testament, mais une évocation de la septième parole du Christ en « Je SUIS » de l’évangile de Jean, très proche de la précédente, dans le même chapitre 10: « Je suis la PORTE des brebis » (Jn 10,7).

. L’image, très audacieuse, est une création du verrier : plutôt que de montrer une porte, elle présente le bon Pasteur qui « donne sa vie pour ses brebis » (Jn 10,11.15).

. La croix en arrière-plan et surtout le sang qui coule à flot des mains, du côté et des pieds du Crucifié expriment ce don libre de sa vie « Ma vie personne ne m’enlève la vie : c’est moi qui la donne » (Jn 10,18).

. En dessous, les brebis viennent se désaltérer dans cette fontaine symbolique : « Je suis venu pour qu’on ait la vie et qu’on l’ait en abondance » (Jn 10,10).

Ces deux vitraux achèvent le parcours qui nous a conduits jusqu’ aux marches du chœur, au pied de l’autel, là où le Christ se donne toujours,  Pasteur éternel, Agneau immolé et vivant, dans l’Eucharistie.